Monter à cheval «en yoga» n’est rien d’autre qu’entrer en résonance avec le Tao du cheval pour faire corps avec son mouvement, sans l’intervention de la volonté et sans que l’ego vienne perturber l’harmonie de la relation. C’est à la fois simple et presque inaccessible sans entamer une démarche du corps et de l’esprit qui permet d’accéder à l’attitude juste, celle qui donne à tous les gestes du cavalier une certaine qualité de présence, depuis le ramassage du crottin jusqu'à l’exécution des figures de haute école.
Le Tao des chevaux n’est pas à vendre
Le prince de Tchao avait une passion immodérée pour la course de chars. Il avait pendant des années pris des leçons avec son cocher qui était un maître aurige réputé. Mais chaque fois que le prince courait contre celui-ci, il arrivait le dernier, même s'il avait pris pour attelage les meilleurs coursiers de ses écuries. Un jour où il fut encore vaincu devant toute sa cour assemblée, le seigneur descendit furibond de son char et dit à son cocher:
- Je vous ai offert des robes de brocart, des pierres précieuses, des jades d'une valeur inestimable en échange de vos services. Mais vous, ingrat, vous ne m'avez pas encore appris tous vos secrets!
- Sire, tout ne s'achète pas. Je ne peux vous vendre le Tao des chevaux.
- Que voulez-vous dire?
- Un bon cocher doit faire le vide dans son esprit pour s'unir au souffle de ses coursiers. Quand vous êtes en tête, vous avez peur que je vous devance. Quand vous êtes derrière moi vous ne pensez qu'à me dépasser. Votre esprit est toujours concentré sur moi. Comment voulez-vous alors faire corps avec vos chevaux, être en harmonie avec leur Tao?
Source: Contes des Sages taoïstes, présentés par Pascal Fauliot, Le Seuil, 2004, p.145-146